Il ne faut pas juger la qualité d’un écrivain à l’aune de sa personnalité, c’est avec cette phrase que de nombreux critiques justifiait la lecture de La carte et le territoire de Michel Houellebecq, ajoutant que c’était le meilleur livre de l’auteur.
Soit. J’ai donc lu ce livre, Prix Goncourt 2010, avec un esprit curieux, confiant, malgré toutes mes réticences à l’égard de l’auteur.
L’histoire, c’est la vie d’un artiste, Jed Martin, depuis sa naissance d’artiste à sa mort. On assiste à la « création » de son art, sa transformation au fil du temps et de l’inspiration, et à sa vie d’homme, ses rencontres, notamment avec un écrivain célèbre, Michel Houellebecq lui-même.
Je ne laisserai pas durer le suspens sur mon opinion sur le livre : c’est une histoire détestable sur des personnages détestables écrit par un écrivain détestable, mais c’est le livre d’un grand écrivain.
Houellebecq réussit à rendre compréhensible et accessible la création de l’artiste Jed Martin. Sans avoir jamais vu aucune des oeuvres de Jed Martin, les descriptions qu’en donne l’auteur les rendent réalistes, et si demain, on en voyait une dans la vitrine d’une galerie, je suis certain que je reconnaîtrai une oeuvre de Jed Martin.
Au delà, il y a une réflexion sur la création et l’art, leur rapport complexe au temps, sur les mécanismes de l’inspiration et de la création. Réflexion, à la fois érudite et simple, complexe et accessible.
Tout cela est intéressant, bien écrit et rend accessible une réalité assez intangible qui est celle de l’oeuvre et de sa création.
Mais, bon sang, que les personnages sont détestables, que leur mise en scène est petite, voire basse.
Et que dire, de la mise en scène de Houellebecq, personnage de roman, par Houellebecq écrivain. Est-ce nécessaire ? On ne peut pas dire que l’écrivain se soit donné le beau rôle, mais la recherche du sordide humain, n’est pas forcément ce qu’on cherche à tout prix dans un roman.
Quelque part, cela en dit long sur l’homme Houellebecq, car, finalement, le roman ne sert-il pas à dire : merci de me statufier, je suis un artiste.
Alors, faut-il le lire si on n’est pas particulièrement attiré sur les mystères de la création artistique ?
Oui, si on fait abstraction de ce qui est détestable dans ce livre, car au milieu de tout ce fatras, il y a des pages admirables, d’une densité émotionnelle extraordinaire, qu’il faut avoir lues. C’est peu dans le roman, c’est beaucoup pour un lecteur.
Un dernier mot : parlant de Houellebecq, je ne peux pas ne pas penser à Céline, personnage lui-même détestable, mais dont la lecture de Voyage au bout de la nuit reste dans ma mémoire.
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